Le Parquet national antiterroriste (Pnat) a requis le renvoi devant la cour d'assises de Brahim Aouissaoui, accusé d'avoir tué trois personnes dans la basilique de Nice en 2020, un "dessein mortifère" qui s'inscrit dans "un fanatisme religieux" véhiculé par des groupes terroristes, selon l'accusation.
Après moins de trois ans d'investigations, le Pnat demande que l'assaillant soit jugé pour assassinats et tentatives d'assassinats en relation avec une entreprise terroriste, a-t-il indiqué mardi, confirmant une information de Nice-Matin.
"C'est un immense soulagement que la procédure touche à son terme", a réagi pour l'AFP Me Philippe Soussi, avocat du mari d'une victime et de l'Association française des victimes du terrorisme (AFVT).
En revanche, "un non-lieu a été requis concernant les faits d'association de malfaiteurs terroriste" criminelle, a précisé le Pnat.
L'enquête menée en France, en Italie et en Tunisie n'a pas permis de déterminer qu'il avait été incité à passer à l'acte ni qu'il avait bénéficié d'une aide dans son projet, selon le réquisitoire signé le 7 septembre et consulté par l'AFP.
"On a maintenu jusqu'au bout l'illusion d'une association de malfaiteurs terroriste", une "infraction fourre-tout" permettant "un maximum de moyens et d'outils procéduraux", a réagi auprès de l'AFP l'avocat du suspect, Me Tewfik Bouzenoune.
Brahim Aouissaoui, un Tunisien âgé de 21 ans à l'époque de faits, est accusé d'avoir, le 29 octobre 2020, mortellement poignardé Nadine Devillers, une fidèle de 60 ans, Simone Barreto Silva, une mère de famille franco-brésilienne de 44 ans, puis le sacristain Vincent Loquès, 55 ans, père de deux filles.
L'assaillant avait brandi son couteau en criant "Allah akbar" lorsqu'une patrouille de la police municipale était intervenue dans la basilique.
Il avait été grièvement blessé par balle et conduit à l'hôpital. A son réveil, après deux interventions chirurgicales et un séjour en réanimation, il avait assuré avoir tout oublié des faits.
Au fil des interrogatoires, il a maintenu cette position, "refusant de s'identifier sur des images où il est parfaitement reconnaissable" et "assurant ne se souvenir de rien", selon le réquisitoire définitif.
Après quasiment deux ans à éluder le sujet ou invoquer une amnésie lors des conversations téléphoniques avec sa famille, il avait laissé entendre au téléphone en juillet 2022 à l'un de ses frères, incrédule, qu'il était bien l'auteur de l'attaque.
"Tout est fonction du destin du seigneur (...). Je suis satisfait de ce que le seigneur a écrit pour moi", lui avait-il dit.
Selon des experts psychiatres, son discernement lors de l'attaque n'était ni aboli ni altéré.
"Le grand enjeu de ce dossier, c'est la question suivante: peut-on s'exprimer sur des faits à l'égard desquels on n'a aucune mémoire?", considère Me Bouzenoune qui entend mettre en débat l'expertise médicale lors du procès.
Caricatures de Mahomet
Pour Me Samia Maktouf, avocate d'autres parties civiles, il a adopté "une défense de rupture en feignant l'amnésie malgré l'évidence de sa culpabilité". "
C'est choquant mais c'est son choix. On fera avec", a relevé Me Soussi. "Très souvent, le jihad est jusque dans le box, cela consiste pour certains à voler le procès aux parties civiles après avoir volé leur vie."
Le maire (Horizons) de Nice Christian Estrosi a remercié mardi dans un communiqué "les enquêteurs pour les investigations fouillées" et "salué de nouveau l'action de notre police municipale", exprimant le soutien de la ville aux familles des victimes qui "attendent ce procès pour avoir des réponses aux questions qu'elles se posent".
Originaire de Sfax (Tunisie), Brahim Aouissaoui, vendeur d'essence au noir, était parti pour l'île italienne de Lampedusa dans la nuit du 19 au 20 septembre 2020 à bord d'une embarcation, sans prévenir sa famille.
Il avait ensuite gagné la Sicile puis était arrivé à Nice en train le soir du 27 octobre.
Les investigations n'ont pas permis "d'identifier avec précision le point de basculement vers sa détermination homicide", note le parquet antiterroriste.
Soulignant son "engagement religieux dans l'islam, récent mais rigoureux", le Pnat relève la "détermination du dessein mortifère" de l'assaillant qui "ne s'est rendu en France qu'après avoir qualifié ce pays comme étant celui +des mécréants et des chiens+".
Pour l'accusation, cette attaque s'inscrit "dans le cadre d'un fanatisme religieux et d'une intolérance haineuse conformes aux prescriptions des groupes terroristes".
Brahim Aouissaoui consultait des publications "en rapport avec les groupes terroristes et porteuses de la haine de la France" après la republication de caricatures de Mahomet à l'occasion de l'ouverture en septembre 2020 du procès des attentats de janvier 2015.
Son attaque n'a pas été revendiquée par les groupes jihadistes, qui s'en sont néanmoins félicités.
La Rédaction (avec AFP)